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Acquittement général demandé au procès climatique à Granges-Paccot

La défense a plaidé l'acquittement collectif au troisième jour du procès des activistes du climat prévenus d'avoir bloqué Fribourg Centre le 29 novembre 2019. L'urgence a dominé les cinq heures de discours. Verdict le 18 juin.

Les douze avocats de la défense ont plaidé lundi l'acquittement collectif lors du procès de 30 activistes du climat prévenus d'avoir bloqué l'accès d'un centre commercial à Fribourg en novembre 2019 pour protester contre la surconsommation induite par le Black Friday. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Les douze avocats de la défense ont plaidé lundi l'acquittement collectif lors du procès de 30 activistes du climat prévenus d'avoir bloqué l'accès d'un centre commercial à Fribourg en novembre 2019 pour protester contre la surconsommation induite par le Black Friday. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

ATS

Publié le 31.05.2021

Les douze avocats ont à nouveau déployé lundi à Granges-Paccot, dans une grande salle de Forum Fribourg, leur stratégie de cause pour sensibiliser à l'urgence climatique. Leurs plaidoiries coordonnées ont prolongé quinze heures d'audition des prévenus, où il avait été question de surconsommation et de désobéissance civile.

"C'est un procès historique, un moment historique de notre humanité", a dit Christian Delaloye, le premier à s'exprimer. "C'est une mission importante de donner une réponse judiciaire à des ordonnances concernant un problème de société". "Parler d'une seule voix pour une seule cause, en requérant l'acquittement collectif."

Indifférence critiquée

La demande vaut tant pour les prévenus que pour ceux qui ne sont pas opposés à leur condamnation. Marie-Pomme Moinat a ensuite regretté l'attitude du juge de police de la Sarine Benoît Chassot: attitude impassible et ton monotone dans la prise du procès-verbal. "Monsieur le président, vous n'avez pas fait preuve de compréhension."

L'avocate a déploré son refus d'entendre cinq experts. Jacques Dubochet et les autres n'ont pas pu déployer ce que le prix Nobel de chimie appelle le "coming out scientifique". "Il faut changer les choses aujourd'hui et agir face à un impact touchant à un futur très proche", a-t-elle insisté à propos du réchauffement climatique.

Marie-Pomme Moinat a encore cité des décisions judiciaires néerlandaise et allemande rappelant à l'Etat son rôle central. Après l'appel à la survie de sa consoeur, Benoît Sansonnens a thématisé "l'aberration du système économique, qui ne peut que se casser la gueule", avec une surproduction et surconsommation "inextinguibles".

"L'Homme a passé un demi-siècle les bras croisés", a enchaîné Sébastien Voegeli, citant la Conférence de l'ONU sur l'environnement de Stockholm de 1972. "Il n'y en a point comme nous, la crise s'arrêtera à nos frontières", a-t-il dit en stigmatisant l'égoïsme des politiciens. "Il y a le feu au lac Monsieur le président."

Pas de prise en otage

Tali Paschoud a contesté les condamnations pour contrainte, eu égard au blocage de l'entrée principale de Fribourg Centre. "Personne n'a été entravé dans sa liberté", a clamé l'avocate, rappelant que neuf autres portes existaient. "Des activistes eux-mêmes ont indiqué ces accès", selon elle. "Aucun client ne s'est plaint par ailleurs."

Joris Bühler est revenu sur le caractère "bon enfant" de l'opération. "Il n'y a pas eu de troubles à l'ordre public nécessitant une action pénale". Concernant les infractions au droit cantonal, "les actes commis à l'intérieur échappent à la loi sur le domaine public", a relevé l'avocat dans sa démonstration.

La sanction pénale est apparue disproportionnée pour Gaspard Genton et de Quentin Cuendet quand ils ont abordé les libertés d'expression et de réunion. Le premier a mis en évidence la contribution des activistes au débat d'intérêt général en exprimant "leur terreur du dérèglement climatique et de la destruction du vivant".

L'état de nécessité a été invoqué par Arnaud Nussbaumer pour motiver la demande d'acquittement. "Il ne s'agit pas d'un acte subversif", a détaillé l'avocat, le danger climatique étant permanent. "D'un côté la vie de centaines de millions de personnes, de l'autre des centaines de personnes faisant leur achat dans un centre commercial."

Verdict le 18 juin

Le mobile honorable a fait l'objet du plaidoyer de Marion Mili. "Il repose sur des convictions sans forcément respecter l'ordre établi", a noté l'avocate. La légitimité de la désobéissance civile a été défendue par Irène Wettstein. "Un aspect qui dérange le confort" à ses yeux, mais "un moteur puissant pour faire avancer la politique".

"Demain, la notion d'écocide sera reconnue", a prédit l'avocate. "Il est temps que la justice s'inquiète du climat. C'est cette responsabilité inhérente au troisième pouvoir que vous devez assumer Monsieur le juge", a-t-elle. Les plaidoiries se sont achevées par une déclaration à tour de rôle d'une partie des accusés.

Les activistes du "Block Friday" ont été condamnés en 2020 à des peines pécuniaires avec sursis et des amendes fermes comprises entre 200 et 500 francs pour avoir participé à une manifestation non autorisée, troublé l'ordre public et ignoré les injonctions de la police. Certains ont été reconnus coupables de contrainte.

Les prévenus, membres de la Grève du climat et d'Extinctions Rébellion, sont jugés pour s'être opposés aux condamnations prononcées via des ordonnances pénales rendues par le procureur général fribourgeois Fabien Gasser. Le verdict sera rendu le 18 juin.

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