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Affaire Karachi: Edouard Balladur devant la justice, 25 ans après

L'ex-premier ministre français Edouard Balladur arrive au Palais de Justice entouré de ses avocats. © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT
L'ex-premier ministre français Edouard Balladur arrive au Palais de Justice entouré de ses avocats. © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT
L'ex-premier ministre français Edouard Balladur arrive au Palais de Justice entouré de ses avocats. © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT
L'ex-premier ministre français Edouard Balladur arrive au Palais de Justice entouré de ses avocats. © KEYSTONE/EPA/YOAN VALAT


Publié le 19.01.2021


Edouard Balladur a commencé mardi à faire face à ses juges. Il comparaît devant la Cour de justice de la République (CJR) pour des soupçons de financement occulte de sa campagne présidentielle en 1995, l'un des volets de la tentaculaire affaire Karachi.

L'ex-Premier ministre français, âgé de 91 ans, a pris place dans le palais de justice de Paris peu après son ancien ministre de la Défense François Léotard, 78 ans, avec lequel il comparaît devant cette juridiction mi-judiciaire mi-politique, la seule habilitée à juger d'anciens ministres pour des infractions commises pendant leurs mandats.

A l'issue d'un long résumé de ce "volumineux" dossier, en fin de journée, la Cour tente d'entendre une première fois M. Balladur. Mais ce dernier fait "non" de l'index: "Je reviendrai demain si vous le voulez bien et j'aurai beaucoup de choses à dire sur ce que j'ai entendu", dit-il. Et d'ajouter: "Dans une affaire si compliquée, je suggérerais que l'usage du conditionnel soit plus souvent utilisé".

Rétrocommissions illégales

Les deux hommes sont jugés jusqu'au 11 février pour "complicité d'abus de biens sociaux". L'ancien Premier ministre est également renvoyé pour "recel" de ce délit.

Pour l'accusation, Edouard Balladur a mis en place pendant ses deux années à Matignon, avec François Léotard, un système de rétrocommissions illégales sur d'importants contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan destinées à alimenter en partie ses comptes de campagne.

Les deux prévenus, qui nient toute infraction, ont promis de "répondre aux questions" des trois magistrats professionnels et des douze parlementaires composant la Cour.

Ce procès se tient sept mois après les sévères condamnations dans le volet non gouvernemental de la même affaire de six autres protagonistes, dont l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine et d'anciens proches des deux ministres.

Deux d'entre eux sont cités comme témoins. Il s'agit de Nicolas Bazire, à l'époque directeur de la campagne Balladur, et Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget Nicolas Sarkozy et également impliqué dans la campagne. Ils ont fait savoir qu'ils ne viendraient pas, ayant fait appel de leurs condamnations prononcées en juin par le tribunal correctionnel de Paris.

Millions retirés à Genève

L'enquête s'est surtout intéressée au versement de 10,25 millions de francs (environ 1,7 million de francs suisses au cours du jour), en une seule fois et en liquide, le 26 avril 1995, trois jours après la défaite de M. Balladur au premier tour. La défense de l'ancien Premier ministre soutient que cette somme provenait de la collecte de dons et de ventes de gadgets ou tee-shirts lors de meetings.

Pour l'accusation, elle correspond en tous points aux millions retirés quelques jours plus tôt à Genève, où M. Takieddine a fait plusieurs voyages, des espèces qui auraient "opportunément" permis de renflouer les comptes de campagne du candidat.

Dossier de 100'000 pages

Balayant cette "thèse", les avocats de M. Balladur plaideront la relaxe et la prescription des faits. Ils ont demandé mardi un supplément d'information, afin de "faire la lumière" sur des "lacunes colossales" du dossier, qui compte pourtant environ "100'000 pages", a relevé Me Félix de Belloy.

Les soupçons de rétrocommissions n'ont émergé que des années plus tard, au fil de l'enquête sur un attentat commis à Karachi, le 8 mai 2002. Il avait coûté la vie à 15 personnes, dont 11 Français travaillant à la construction de sous-marins dans le port pakistanais.

L'enquête avait au départ privilégié la piste d'Al-Qaïda puis s'en était ensuite éloignée pour explorer les possibles liens - non étayés à ce jour - entre l'attaque et l'arrêt du versement des commissions après l'élection de Jacques Chirac. Cette enquête est toujours en cours.

ats, afp

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