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Affaire Navalny: le Kremlin met en garde contre des manifestations

Alexei Navalny arrêté et emprisonné peu après son arrivée à Moscou lundi. © KEYSTONE/EPA/SERGEI ILNITSKY
Alexei Navalny arrêté et emprisonné peu après son arrivée à Moscou lundi. © KEYSTONE/EPA/SERGEI ILNITSKY


Publié le 19.01.2021


Le Kremlin a rejeté mardi les demandes occidentales de libérer l'opposant Alexeï Navalny, incarcéré depuis son retour en Russie. Moscou met aussi en garde les partisans de l'opposant qui comptent manifester à son appel ce week-end en Russie.

Le militant anti-corruption de 44 ans a été arrêté dimanche dès son retour d'Allemagne, où il était en convalescence après son empoisonnement présumé en août, dont il tient le Vladimir Poutine pour responsable, malgré les multiples dénégations des autorités.

Les principales puissances occidentales ont réclamé sa libération "immédiate". Elles demandent à Moscou de s'expliquer sur ces accusations d'empoisonnement et d'enquêter sur cette tentative d'assassinat présumé.

Lors d'un point presse, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dit mardi que Moscou ne "prévoit pas de prendre en considération" les appels occidentaux en remettre l'opposant en liberté. "C'est une affaire totalement intérieure et nous ne permettrons à personne de s'ingérer là-dedans", a-t-il ajouté.

Alexeï Navalny a été incarcéré au moins jusqu'au 15 février dans le cadre d'une procédure pour violation d'un contrôle judiciaire et placé en détention à Moscou, en quatorzaine, du fait de la pandémie de coronavirus.

Dès l'annonce de cet emprisonnement, l'opposant et ses partisans ont appelé à manifester, samedi 23 janvier, à travers le pays. Le porte-parole du Kremlin a jugé que de tels appels et rassemblements pouvaient s'apparenter à des "activités illégales".

Toute manifestation nécessite un accord des autorités en Russie. Par ailleurs, dans une grande partie du territoire, notamment Moscou, les rassemblements de masse sont interdits du fait de la pandémie.

Un bras droit de l'opposant, Leonid Volkov, a indiqué à qu'aucune demande d'autorisation ne sera déposée, les russes ayant "un droit constitutionnel" de manifester. Des rassemblements sont prévus dans de nombreuses agglomérations, de Moscou et Saint-Pétersbourg à l'Ouest, à Khabarovsk en Extrême-Orient en passant par Ekaterinbourg dans l'Oural.

Risque d'arrestations

Les manifestations non autorisées de l'opposition conduisent bien souvent à une répression brutale et à de très nombreuses interpellations. Lundi soir, au moins 73 personnes ont été arrêtées lors d'actions de soutien improvisées, selon l'ONG spécialisée OVD-Info.

Sur Telegram, la politologue Tatiana Stanovaïa a estimé que les manifestations annoncées "ne seront peut-être pas très importantes en terme de nombre, mais qu'elles seront visibles et ne faibliraient pas rapidement".

M. Navalny est depuis longtemps dans le collimateur des autorités russes. Il s'est rendu célèbre avec des enquêtes publiées en ligne sur la corruption des élites et de l'entourage de Vladimir Poutine. Sa notoriété reste néanmoins limitée hors des centres urbains les plus importants et auprès des générations les moins connectées.

Empoisonnement contesté

Sur le plan politique, il préparait aussi avant son empoisonnement une campagne active en vue des législatives de septembre 2021, sur fond d'érosion de la popularité du parti du Kremlin, Russie unie.

Trois laboratoires européens ont conclu que l'opposant a été empoisonné par un agent neurotoxique militaire de Novitchok, développé à l'époque soviétique. Moscou a rejeté ces conclusions et dénoncé un complot, affirmant que ses scientifiques n'ont découvert aucun poison dans l'organisme de l'opposant.

Depuis son retour en Russie, M. Navalny est sous la menace de procédures judiciaires qui pourraient aboutir à des peines d'emprisonnement de plusieurs années. Il doit être jugé dès mercredi pour diffamation d'un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale.

Il est accusé d'avoir diffusé des informations "mensongères" et "injurieuses" à l'égard de cet ancien combattant qui avait exprimé à la télévision son soutien au référendum constitutionnel de l'été renforçant les pouvoirs du président Vladimir Poutine.

Mais il a surtout un autre rendez-vous judiciaire clé. Le 2 février, un tribunal se penchera sur la révocation d'un sursis auquel l'opposant avait été condamné, ouvrant la voie à la possibilité qu'il effectue une partie d'une peine de trois ans et demi de prison, à laquelle il avait été condamnée en 2014.

Alexeï Navalny est également visé depuis fin décembre par une enquête pour "fraudes à grande échelle", un délit passible de dix ans d'emprisonnement. L'intéressé juge ces affaires politiques.

Il est détenu depuis lundi soir au centre de Matrosskaïa Tichina, prison célèbre de Moscou dans laquelle a notamment été emprisonné l'oligarque devenu ennemi juré du Kremlin, Mikhaïl Khodorkovski.

ats, afp

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