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Armée à Cali où les manifestations ont fait au moins 13 morts

Depuis un mois, les Colombiens descendent dans les rues des villes du pays et notamment à Cali, qui est devenue l'épicentre des manifestations (archives). © KEYSTONE/AP/Andres Gonzalez
Depuis un mois, les Colombiens descendent dans les rues des villes du pays et notamment à Cali, qui est devenue l'épicentre des manifestations (archives). © KEYSTONE/AP/Andres Gonzalez
Quelque 2000 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. © KEYSTONE/EPA/Ernesto Guzman Jr
Quelque 2000 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. © KEYSTONE/EPA/Ernesto Guzman Jr
Quelque 2000 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. © KEYSTONE/EPA/Ernesto Guzman Jr
Quelque 2000 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. © KEYSTONE/EPA/Ernesto Guzman Jr


Publié le 30.05.2021


L'armée colombienne, obéissant à l'ordre du président Ivan Duque, a commencé samedi à déployer un millier de soldats dans la ville de Cali, épicentre des manifestations anti-gouvernementales. Au moins treize personnes y ont été tuées la veille.

Les rues de la troisième ville du pays, 2,2 millions d'habitants, étaient presque désertes samedi, au lendemain d'affrontements entre des manifestants, des policiers et des civils armés qui ont fait au moins 13 morts dans différents incidents.

Au moins huit personnes ont succombé à des tirs d'arme à feu, a indiqué la police. Un enquêteur du parquet de Cali a tiré sur la foule, tuant deux civils, avant d'être lynché par les manifestants, selon le parquet.

Réforme fiscale

Ces violences interviennent un mois exactement après le soulèvement du 28 avril contre un projet de réforme fiscale, vite abandonné, porté par le président de droite Ivan Duque, qui visait à augmenter la TVA et à élargir la base de l'impôt sur le revenu.

En un mois de soulèvement populaire, au moins 59 morts, dont deux policiers, ont été enregistrés dans le pays, selon un décompte officiel. Quelque 2300 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. Human Rights Watch évoque jusqu'à 63 morts.

Appel à la désescalade

"La situation à Cali est très grave", a tweeté José Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de Human Rights Watch, qui a exhorté le président Duque à prendre "des mesures urgentes de désescalade, dont un ordre spécifique pour interdire l'usage d'armes à feu par les agents de l'Etat".

Depuis un mois, le scénario est presque toujours le même: le jour, les manifestations sont pacifiques et créatives, la nuit la rébellion se transforme en émeutes où mortiers d'artifice et cocktails Molotov se mélangent aux tirs à balles réelles.

Cette révolte sans précédent secoue les grandes villes, où sont érigées des barricades et où les blocages d'axes routiers provoquent des pénuries et exaspèrent une partie de la population. Le gouvernement, malgré des médiateurs chargés de négocier avec le Comité national de grève, est incapable de désactiver une crise qui, pour l'instant, ne menace pas de le renverser.

Jeunesse appauvrie

Cette crise soudaine a surtout révélé, selon les analystes, la sourde colère d'une jeunesse politisée, appauvrie par la pandémie, qui ne veut plus se taire.

Plus de 1100 soldats ont été déployés pour rétablir l'ordre à Cali. Dans un décret signé vendredi soir, M. Duque a activé un dispositif de soutien militaire d'environ 7000 hommes pour les dix départements où des barrages routiers ont été dressés.

Pendant un demi-siècle, le conflit avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) a occulté une réalité devenue trop criante: selon la Banque mondiale, la Colombie se classe parmi les pays les plus inégalitaires en termes de revenus et possède le marché du travail le plus informel d'Amérique latine.

L'Etat s'est concentré dans sa lutte contre les guérillas - l'ELN et les dissidents des Farc- et a totalement délaissé la demande sociale.

L'accord de paix de 2016, qui a désarmé ce qui était autrefois la guérilla la plus puissante du continent américain, a mis fin à un conflit dépassé, loin de la nouvelle génération citadine "qui découvre la politique", explique l'universitaire Hernando Gomez Buendia, auteur du livre "Entre l'indépendance et la pandémie".

Pas de "soupape"

Alors qu'un tiers des jeunes âgés de 14 à 28 ans ne travaillent ni n'étudient, "la Colombie est en train de devenir", selon lui, "un pays de conflits urbains".

Contrairement aux bouleversements sociaux au Chili, où le soulèvement social a conduit à une réforme constitutionnelle, ou en Equateur, qui vient d'organiser des élections, les Colombiens n'ont pas eu de "soupape" pour évacuer leurs nombreuses frustrations, estime Cynthia Arson, directrice du programme latino-américain du Woodrow Wilson International Center for Scholars.

L'impopularité d'Ivan Duque, qui doit quitter ses fonctions en 2022, semble jouer en faveur de la gauche, qui n'a jamais présidé le pays. L'ancien maire de Bogota et ex-guérillero Gustavo Petro est aujourd'hui en tête dans les sondages.

Avec pour toile de fond cette crise sociale et sécuritaire, la Colombie a battu samedi le record des décès quotidiens dus au Covid-19 avec 540 morts. Selon le ministère de la Santé, depuis le début de l'épidémie en mars 2020, le pays de 50 millions d'habitants a comptabilisé plus de 3,3 millions cas de Covid-19 pour 87'747 décès.

ats, afp

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