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Clap de fin pour l'internat du collège de Saint-Maurice (VS)

Dès les années 90, la fréquentation de l'internat du collège de l'Abbaye de Saint-Maurice baisse régulièrement et les internes finissent par n'occuper qu'une petite partie du bâtiment. © Keystone-ATS/Salvatore Di Nolfi
Dès les années 90, la fréquentation de l'internat du collège de l'Abbaye de Saint-Maurice baisse régulièrement et les internes finissent par n'occuper qu'une petite partie du bâtiment. © Keystone-ATS/Salvatore Di Nolfi


Publié le 15.06.2021


L'internat du collège de Saint-Maurice (VS) fermera définitivement ses portes à la fin de cette semaine. Ouvert en 1806, il n'accueille aujourd'hui plus qu'une poignée d'étudiants. Témoignages d'anciens internes, entre bons et mauvais souvenirs.

En 215 ans d'existence, l'internat du collège de l'Abbaye de Saint-Maurice a accueilli d'innombrables étudiants. Beaucoup vivaient bien la séparation d'avec leur famille, d'autres en souffraient beaucoup.

Tel était le cas du petit Léonard Gianadda, 11 ans en 1946. Il entre à l'internat alors qu'il habite à Martigny, à seulement une quinzaine de kilomètres de Saint-Maurice: "Ma maman me trouvait si peu dégourdi qu'elle disait que je ne serais pas capable de prendre le train pour rentrer à la maison", raconte-t-il.

Il y passera quatre ans. Un souvenir plutôt douloureux aujourd'hui encore: "Moi qui étais à peine sorti des jupes de ma mère, je ne pouvais retourner chez moi qu'une fois par trimestre. Je m'ennuyais et pleurais beaucoup".

Le garçon peine à s'habituer à la vie spartiate et disciplinée de l'internat, où s'enchaînent levers à l'aube, messes et études. Seul le lancement des Jeunesses musicales au sein du collège parvient à égayer son quotidien: "Je me précipitais à ces concerts que l'on payait 60 centimes, moins par amour de la musique que par soif de distraction".

La dernière année, ses parents renoncent au pensionnat: "Je leur avais dit que je m'évaderais. Et je vous jure que je l'aurais fait", insiste le mécène et créateur de la Fondation Pierre Gianadda.

"On écoutait Brel en pleurant"

Dès les années 60 et durant trente ans environ, l'internat ne désemplit pas. En 1972, il accueille quelque 300 internes et les chanoines ouvrent un foyer en ville pour faire face à la demande. Ce boom s'explique par la démocratisation des études et une tradition de l'internat, indique à Keystone-ATS Alexandre Ineichen, chanoine et actuel recteur du collège de l'Abbaye de Saint-Maurice.

Durant ces années fastes, Alexandre Papaux passera trois ans au collège et à l'internat. L'ancien juge cantonal fribourgeois, désormais avocat-conseil, évoque cette période avec fougue et enthousiasme.

Etudiant et basketteur au Fribourg Olympic, il débarque à l'âge de 15-16 ans et s'intègre "immédiatement". Il a "le goût des études", mais s'éparpille beaucoup. "Collège et internat m'ont donné une structure, moi qui étais avide d'apprendre, mais dans le désordre". Etudes, sport, Jeunesses musicales, ciné-club, ski, retraites, le jeune Papaux engloutit et se délecte.

Esprit libre et non baptisé, "je n'ai jamais été stigmatisé", souligne-t-il, se remémorant "l'excellent enseignement des chanoines" et leur bienveillance à l'internat: "Quand Brel est mort, nous sommes allés dans la chambre d'un camarade qui avait un pick-up et nous l'avons écouté toute la nuit en pleurant".

"Les grands tapaient les petits"

La baisse de fréquentation de l'internat s'amorce au milieu des années nonante et s'accentue au fil des ans. Elle va de pair avec le développement des transports publics qui réduit le besoin de pension, avec une augmentation de l'offre d'établissements gymnasiens en Suisse romande, avec un certain désamour pour les internats et une volonté moins marquée d'intégrer un élève dans un établissement catholique, résume Alexandre Ineichen.

A cette époque, les familles espèrent y trouver un encadrement soutenu pour leur enfant, parfois en rupture. "La loi du plus fort était omniprésente. C'était assez violent. Les grands tapaient les petits, l'ambiance était rude", raconte Romain de Diesbach, entré à l'internat en 1995 et qui y restera le temps de ses deux années au cycle d'orientation de l'abbaye et de ses six premiers mois de collège.

L'adolescent fribourgeois turbulent, aujourd'hui designer, garde un mauvais souvenir "de l'immense dortoir organisé en boxes entourés de rideaux pour un semblant d'intimité, des prières au coucher et au réveil, des bâtiments sans couleur et de la discipline". "Je ne rejette la faute sur personne, j'étais un ado difficile. Mon père avait lui aussi beaucoup souffert dans un autre internat et je n'ai pas compris que je doive aussi passer par là. Il me reste quand même le très bon enseignement dispensé", conclut-il.

Plus que huit internes

Depuis les années 2000, les choses ont évolué. "Nous sommes huit internes et nous disposons chacun de notre chambre. Nous nous entendons bien et sommes très bien soutenus par le responsable de l'internat", explique Arnaud Sarrasin, qui achève vendredi sa deuxième année de collège.

Le Valaisan de 18 ans, "facilement distrait", est venu chercher à St-Maurice "un cadre favorable de travail". Il apprécie se lever tôt (06h30) et une certaine discipline, gage "d'une bonne vie en communauté". L'an prochain, il n'utilisera pas la liste de familles d'accueil proposées par le collège, mais rentrera chez lui à la Tzoumaz, cumulant bus, téléphérique et train.

ats

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