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Lausanne: il forçait des mineures nigérianes à se prostituer

Un Nigérian est jugé lundi à Lausanne pour avoir fait passer deux compatriotes mineures en Suisse pour qu’elles s’y prostituent (photo d'illustration). © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT
Un Nigérian est jugé lundi à Lausanne pour avoir fait passer deux compatriotes mineures en Suisse pour qu’elles s’y prostituent (photo d'illustration). © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT


Publié le 08.03.2021


Le Tribunal correctionnel de Lausanne juge lundi un Nigérian de 49 ans. Ce père de famille est accusé d’avoir passé deux compatriotes mineures en Suisse pour qu’elles s’y prostituent avec la complicité active de sa compagne.

Il est prévenu de traite d’êtres humains qualifié, de blanchiment d’argent et d’incitation à l’entrée et au séjour illégal. Rien que pour le premier de ces trois chefs d’accusation, cet homme domicilié avec sa femme à Nancy (F), où il a demandé l’asile politique et vit de l’aide sociale, encourt un minimum d’une année de prison ferme.

Le prévenu, qui "naviguait" entre la Suisse, l’Italie et l’Espagne au moment des faits, est jugé pour avoir fait rentrer illégalement en Suisse en 2016 deux compatriotes de 14 et 15 ans afin de les obliger à se prostituer. Et ce avec la complicité active de son épouse. Ces deux jeunes femmes, aujourd’hui âgées de 19 et 20 ans, issues de milieux modestes, ont été soumises au "juju". Ce rituel d’ordre magique, en vigueur dans le sud du Nigéria, laisse croire à ses victimes que du mal pourrait leur être fait et à leur famille si elles venaient à désobéir.

Battues et menacées de mort

Une fois en Suisse, les deux mineures ont été contraintes à se prostituer en prétendant être majeures sous la surveillance d’une certaine Mirabelle. Les deux Nigérianes ont été battues et menacées de mort par l’épouse du prévenu. Elles étaient aussi contraintes à reverser tous leurs gains, au prétexte de rembourser chacune les 40'000 euros qui auraient été engagés dans leur venue en Europe via le Niger, la Libye et l’Italie.

"Je pensais faire un travail normal en arrivant en Europe et au final j’ai dû me prostituer pendant deux ans. Je me sentais mal, j’étais triste et pleurais sans cesse. J’ai même eu une infection qui m’a conduit au CHUV. Ça a été une expérience horrible qui m’a longtemps fait faire des cauchemars. Aujourd’hui, je dois encore prendre des médicaments pour pouvoir dormir", a expliqué l’une des victimes à la barre après que son bourreau soit sorti de la salle.

La jeune femme suit désormais un apprentissage à la Migros. "Ce juju est vraiment très fort et je ne sais pas quand cela peut me frapper", a-t-elle aussi raconté. "Aujourd’hui, j’ai encore peur car il y a le juju qui est là", a confirmé la seconde victime.

Dénégations

Le passeur, qui ne s’exprime qu’en anglais, prétend de son côté ne pas connaître ses victimes, lesquelles avaient fini par porter plainte en 2018. Il était arrivé en Suisse car un membre de sa famille y résidait à Berne. Le quadragénaire nie aussi avoir envoyé quelque 3250 euros au pays via deux agences spécialisées basées à Berne alors que des pièces du dossier en attestent.

D’après l’acte d’accusation, sept autres jeunes nigérianes mineures ont été victimes des agissements de l’accusé et de sa compagne mais celles-ci n’ont pas porté plainte. "On a affaire à des gens qui n’ont aucun scrupule dans ces affaires de traite d’êtres humains qui voient des adolescentes traverser l’Afrique pour être mises sur les trottoirs de Lausanne", a relevé le procureur avant de requérir cinq ans de prison.

Le verdict sera connu mardi. A noter que l’accusé, extradé de France en mai 2020, a déjà purgé plus de 200 jours en détention préventive.

ats

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