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Les forces ukrainiennes cèdent le verrou de Severodonetsk

La Russie a intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est. En image, un militaire ukrainien dans les ruines du complexe sportif de l'Université technique de la ville. © KEYSTONE/AP/Andrii Marienko
La Russie a intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est. En image, un militaire ukrainien dans les ruines du complexe sportif de l'Université technique de la ville. © KEYSTONE/AP/Andrii Marienko
Une résidente devant sa maison détruite par l'armée russe à Bakhmut, dans la province du Donetsk. © KEYSTONE/AP/Efrem Lukatsky
Une résidente devant sa maison détruite par l'armée russe à Bakhmut, dans la province du Donetsk. © KEYSTONE/AP/Efrem Lukatsky
La Russie a intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est. En image, un militaire ukrainien dans les ruines du complexe sportif de l'Université technique de la ville. © KEYSTONE/AP/Andrii Marienko
La Russie a intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est. En image, un militaire ukrainien dans les ruines du complexe sportif de l'Université technique de la ville. © KEYSTONE/AP/Andrii Marienko


Publié le 24.06.2022


Les Ukrainiens ont ordonné à leurs forces de se retirer vendredi de la ville stratégique de Severodonetsk, concédant aux Russes après une résistance acharnée une avancée dans le Donbass, au lendemain de la validation très symbolique par l'UE de la candidature de Kiev.

Dans le sud, où les forces ukrainiennes sont par contre plutôt à l'offensive, un attentat a causé la mort d'un fonctionnaire de l'administration mise en place par les Russes à Kherson. C'est la première fois que les autorités prorusses annoncent la mort d'un des leurs dans ce type d'attaques, qui se multiplient.

Vendredi matin, Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la province de Lougansk (est), où se situe Severodonetsk, a annoncé sur Telegram que les forces armées ukrainiennes avaient "reçu l'ordre" de se retirer de la ville.

Bombardée depuis des semaines par les forces russes faute de réussir à en prendre le contrôle, Severodonetsk est une étape cruciale dans leur plan de conquête de l'intégralité du Donbass, un bassin industriel de l'est de l'Ukraine déjà en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.

"Cela ne fait plus aucun sens de rester sur des positions qui ont été constamment bombardées depuis des mois", alors que la ville a été "presque réduite à l'état de ruines", a expliqué le gouverneur.

Severodonetsk et sa ville jumelle Lyssytchansk, située juste de l'autre côté de la rivière Donets, sont aujourd'hui quasiment encerclées par les forces russes, qui grignotent chaque jour un peu plus de territoire alentours.

Mykolaïvka, ville située à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Lyssytchansk, est aux mains de l'armée russe, a indiqué M. Gaïdaï, ajoutant que les Russes tentaient désormais de "conquérir Guirské", une commune voisine.

Un représentant des séparatistes prorusses, Andreï Marotchko, a pour sa part affirmé sur Telegram que tous les villages de la zone de Guirské étaient déjà sous contrôle russe.

"Le prix payé par la Russie"

Les Etats-Unis ont cependant de leur côté minimisé vendredi l'importance du retrait ukrainien, une haute responsable du Pentagone soulignant "le prix payé par la Russie pour ce très petit gain".

"Les Russes arrivent tout juste à gagner du territoire centimètre par centimètre". Ce que font les forces ukrainiennes, "c'est consolider leurs forces sur des positions où elles peuvent mieux se défendre", a assuré à la presse cette haute responsable ayant requis l'anonymat.

Lyssytchansk semblait néanmoins à son tour se préparer à l'arrivée des Russes.

A l'entrée de la ville, en partie privée d'eau, de gaz et d'électricité, des soldats creusaient des tranchées.

Plus au sud, Pavlo Kyrylenko, le gouverneur de la région de Donetsk, l'autre province du Donbass, a dit jeudi à l'AFP que plus "aucune ville" de la zone n'était "sûre", les combats y étant trop violents.

Beaucoup de blessés

A Kramatorsk, une ville située en arrière du front, un soldat s'identifiant par son prénom, Volodymyr, en poste devant l'hôpital militaire, a témoigné du nombre important de blessés amenés du front depuis des semaines.

"On amène beaucoup de gars", dont environ 40% souffrent de contusions, et le reste de blessures par des éclats d'obus, a-t-il dit.

Dès que les blessés graves sont suffisamment stabilisés, ils sont envoyés vers des hôpitaux mieux équipés dans des villes ukrainiennes. "Il y a un gros turnover, les gars ne restent pas plus de 2-3 jours" hormis ceux qui ne sont pas transportables, a-t-il ajouté.

"Les gars que je vois ici sont très patriotes, je ne dirais pas qu'ils sont de la chair à canon. Ils sont équipés de tout ce qu'il faut, mais ce sont les armes qui manquent, bon sang", dit-il encore, soulignant le manque d'armes lourdes à disposition de l'armée ukrainienne.

A Kherson, l'une des rares grandes villes du pays conquise par les Russes dans ce conflit, "le chef du département de la famille de la jeunesse et des sports, Dmitri Savloutchenko, est mort", a indiqué sur Telegram le chef adjoint de l'administration prorusse, Kirill Stremooussov, dénonçant, comme Moscou, "un acte de terrorisme".

Selon l'administration locale, le responsable, tué dans l'explosion de sa voiture, a été victime d'une attaque "ciblée".

Ces dernières semaines, les forces ukrainiennes sont repassées à l'offensive dans la zone pour tenter de reprendre des territoires perdus depuis l'invasion du 24 février. Et les attaques visant des responsables de l'occupation, dont plusieurs ont été blessés, se sont multipliées en parallèle dans la région de Kherson et celle voisine de Zaporijjia.

La Russie a par ailleurs intensifié depuis plusieurs jours son offensive sur la grande ville de Kharkiv, dans le nord-est.

"On a très peur de sortir"

Une équipe de l'AFP sur place a entendu de fortes explosions dans le centre-ville dans la nuit, puis constaté vendredi matin que l'Institut polytechnique avait été touché par plusieurs missiles. Toutes les vitres du bâtiment soviétique ont explosé et un immense gymnase en béton armé a été détruit. Selon un militaire présent, il n'y a pas eu de victime.

Une équipe de l'AFP a pu se rendre à Chuhuiv, ville située entre Kharkiv et les positions russes, au sud-est de l'agglomération. Six civils y sont morts mercredi soir en attendant le bus. Dans le supermarché situé juste à côté, dont les vitres ont été brisées, on se presse pour aller acheter l'essentiel alors que le bruit des bombes gronde à l'horizon.

"On n'a pas entendu de sirène et on est choqués. On a très peur de sortir de chez nous mais on ne peut pas partir, on a des personnes âgées qui ont besoin de nous", a raconté Dmytro Shmakov, 26 ans, chauffeur, tout habillé de noir.

L'armée russe a de son côté affirmé avoir tué avec "des armes de haute précision" plus de 200 mercenaires étrangers et une centaine de nationalistes ukrainiens dans les région de Mykolaïv (sud) et Kharkiv.

Mises à mal par la puissance de feu russe, les forces ukrainiennes fondent désormais leurs espoirs sur l'arrivée d'armements lourds réclamés sans relâche aux alliés occidentaux, comme les lance-roquettes multiples américains Himars, dont Kiev a annoncé l'arrivée de premiers exemplaires jeudi en prédisant que "l'été sera chaud pour les occupants russes".

A la frontière, le nombre d'Ukrainiens qui arrivent en Pologne dépasse cette semaine celui des retours, renversant la tendance observée depuis plus d'un mois, a-t-on appris vendredi auprès des garde-frontières polonais.

ats, afp

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