Ils s’appellent Robert, Jean, Pierre, Christian ou Emile. Ils ont pour la plupart entre 40 et 50 ans. Et en plus d’avoir des noms curieusement plus français les uns que les autres, ils semblent tous vouloir accéder à mon compte Instagram. 

Je reçois un flot régulier de demandes d’abonnement, donc, curieuse, je vais visiter les profils qui semblent s’intéresser à moi. On y trouve de tout. Des photos de leurs enfants, de leurs chiens. Eux-mêmes en maillot de bain, devant leur voiture, en tenue de boulot. Tiens, celui-ci est dentiste, et lui aussi, comme c’est intéressant ! Mais souvent, ils posent seuls, devant un mur blanc, avec un sourire figé, digne d’une pub de dentifrice, et une coiffure de sortie de salon.

Je m’attarde quelques secondes supplémentaires et prend la peine de lire ce que racontent leurs biographies. « Fidèle et jovial, je profite de la vie. » Certains préfèrent se la jouer mystérieux : « Savoir aimer, c’est l’essence de la vie. » Je médite sur ces douces paroles, le souffle coupé devant tant de poésie. 

Je rêve d’une vie splendide, romantique et sous les tropiques avec François lorsque je reçois une notification. En voilà un, Marc, en l’occurrence, qui fait le premier pas, qui se lance, qui m’écrit. Et Marc sait choisir les mots justes : « Coucou comment allez-vous je finalisais la création de mon compte et je vois votre profil très séduisant, je désire faire ample connaissance avec vous si ça ne vous dérange pas. » Marc a touché dans le mille, j’ai le cœur qui bat la chamade, le souffle court, je suis charmée. J’ai rarement vu quelqu’un savoir manier les mots aussi bien. Ça me change des habituels « Hello j’espère je vous dérange pas » ou des « coucou », plus sobres et qui n’invitent pas vraiment à la conversation.

Mais Marc a de la concurrence, puisqu’arrivent Bertrand, puis Laurent, et puis d’autres. J’ai finalement l’impression d’être le premier prix d’un concours. Qui arrivera à me séduire le premier ? Qui trouvera les mots justes ? Marc a quelques points d’avance, mais attendez, voilà qu’Olivier arrive…