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«Je n’y arrive pas seule»

La prise en charge des jeunes en situation d’addiction nécessite une attention particulière. Une jeune témoigne et parle de son rapport à la drogue

Aline poursuit actuellement une formation d’aide en soins et accompagnement (ASA). © Lara Diserens
Aline poursuit actuellement une formation d’aide en soins et accompagnement (ASA). © Lara Diserens

Lara Diserens

Publié le 10.05.2021

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Dépendance » Depuis 1994, la fondation Le Tremplin, à Fribourg, accompagne les toxicodépendants dans leur réinsertion professionnelle et sociale. Selon le directeur Cédric Fazan, les personnes en situation d’addiction sont souvent en grande précarité sociale et ont avant tout besoin d’un accompagnement socio-éducatif. L’institution suit une dynamique basée sur la réduction des risques, l’autodétermination et le rétablissement, plutôt que sur la répression. «On ne force pas la personne à l’abstinence. La liberté de choix des personnes, même si elles se font du mal, est fondamentale», explique Cédric Fazan. Cette vision s’applique aussi dans la prise en charge des jeunes: «On essaie de leur redonner une colonne vertébrale qui perdurera en dehors de l’institution», ajoute-t-il.

Adolescence en fumée

Le Tremplin travaille avec cinq services ambulatoires et un centre résidentiel «Parcours Horizon». C’est ici que vit Aline*, 20 ans. Après avoir enchaîné les foyers d’accueil, elle tente de se reconstruire d’une adolescence tumultueuse. Depuis son arrivée en Suisse à l’âge de 8 ans, la jeune d’origine moldave ne parvient pas à trouver sa place. Incapable de verbaliser son mal-être, Aline rejette l’autorité, et devient agressive: «Je ne me sentais pas à ma place au milieu de ma famille d’accueil, même si elle faisait tout pour m’intégrer. Il y a eu beaucoup de disputes, jusqu’à ce qu’on en arrive aux mains.» A la demande de ses parents, elle est placée en foyer socio-éducatif pour mineurs. C’est là qu’on lui propose d’essayer la marijuana pour la première fois. Contrairement à la croyance populaire, la drogue n’est pas une échappatoire pour elle: «Les gens aiment penser que le cannabis est un moyen de s’évader des problèmes et de la réalité. M a consommation n’a rien à voir avec ça. Sans la fumée, mes souffrances seraient aussi présentes», explique-t-elle.

Bien souvent, la drogue n’est pas le problème numéro un. Mais puisqu’elle est addictive, la substance devient indispensable: «Le produit chimique maîtrise ta vie, et pas l’inverse», affirme Aline. Pour Cédric Fazan, il est indispensable de travailler sur les forces des jeunes plutôt que sur leurs faiblesses: «On essaie de leur montrer qu’ils sont quelqu’un malgré leur consommation. Le but, c’est qu’ils retrouvent en eux la dignité qu’ils ont oubliée.»

Accepter sa vulnérabilité

Entre parcours de vie traumatisant et mal-être existentiel, les jeunes sont vulnérables face à la drogue. Demander de l’aide est le premier pas vers la guérison: «Quand vous consommez un produit qui vous a permis de survivre, le premier réflexe lors d’une difficulté est de recourir au produit qui vous a aidé», explique le directeur du Tremplin. Désormais, Aline sait sur qui elle peut compter: «Souvent, tu te bats contre toi-même parce que tu te dis que tu aurais pu faire mieux. Mais j’ai commencé à accepter que, parfois, je n’y arrive pas seule.»

*Prénom d’emprunt

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