Livre » A en crever le ciel, c’est le récit d’une femme traumatisée, et qui guérit. Des fragments poétiques qui se suffisent à eux-mêmes, ou forment un tout. Une narratrice fragmentée par ce qu’elle a vécu, flottant entre le passé et le présent, sans accroche, éclatée en morceaux. «Je n’ai pas consciemment choisi d’écrire ainsi. Ça m’est venu naturellement. J’ai écrit des phrases, des mots, n’importe où et n’importe quand, puis j’y ai dessiné une structure», se confie Miriam Gfeller, 19 ans, auteure du livre, paru en juin 2020 aux Editions des Sables. «Je n’ai pas cherché à le mettre dans une case, sa forme finale est instinctive, et les fragments évoluent, ils tissent une histoire.»

Aujourd’hui étudiante en psychologie à l’Université de Fribourg, Miriam a profité de son travail de maturité, au collège, pour coucher sur le papier des émotions qui mûrissaient en elle depuis longtemps, qui n’attendaient que d’être exprimées. «Je ne l’ai jamais écrit en pensant qu’il aurait des lecteurs, publier un livre n’était pas mon but. Je l’ai écrit pour moi, par nécessité. Et j’ai eu des retours très touchants sur mon travail.»

L’incompréhension, la peur, la colère, les pleurs puis l’espoir, l’acceptation et la guérison, c’est ce qu’exprime Miriam dans son ouvrage. «Des personnes se sont reconnues dans mes mots, se sont senties moins seules. D’autres m’ont confié que mon texte leur avait permis de mieux comprendre les émotions ou les comportements que peut avoir une femme traumatisée.» Par la publication, elle a voulu rendre une partie de son chemin accessible à celles et ceux qui s’intéressent, qui ont envie de comprendre, ou qui se sentent seuls dans leur propre expérience. «J’espère que mon récit aide et soulève des questions, et peut-être apporte des réponses. Chaque personne vit différemment son histoire, la mienne n’en est qu’une parmi d’autres», continue-t-elle avec humilité.

Le ton est juste, les mots authentiques, les phrases libres, le texte essentiel. «Ça a été un apprentissage au début de laisser venir les mots dans leur forme brute, sans céder à la tentation de les améliorer ou de les adoucir, raconte l’étudiante. C’était important pour moi.»

Les statistiques et la réalité

En Suisse, plus d’une femme sur cinq est victime de violences sexuelles au cours de sa vie. Les statistiques, beaucoup les connaissent. Mais l’expérience en tant qu’humain, qu’est-ce que cela représente? A travers ce livre, l’auteure plonge le lecteur dans son expérience subjective, l’ancre dans le réel, lui montre une partie des nuances qui se cachent derrière ces termes. «Ce n’est pas juste un mauvais moment à passer. Ça impacte tous les aspects de la vie, et ça ne part pas en un claquement de doigts, remarque-t-elle. On ne s’imagine pas vraiment ce qu’il y a derrière, ni qu’il y a des victimes dans notre entourage.»