La Liberté

«Le coquin savait quand s’arrêter»

L’ascension de Marco Odermatt ne doit rien au hasard. La parole à ceux qui ont côtoyé le Nidwaldien

Patricia Morand

Publié le 17.03.2021

Temps de lecture estimé : 8 minutes

Ski alpin » L’annulation des descentes de Lenzerheide ne fait pas le jeu de Marco Odermatt. Auteur d’une remontée fantastique au classement général de la Coupe du monde ces dernières semaines, le Nidwaldien a perdu un atout dans son match avec Alexis Pinturault, actuel leader de la Coupe du monde. Il en a encore deux dans sa manche, pour le super-G de jeudi et le géant de samedi, mais se retrouvera dépourvu lors du slalom dominical. Soulèvera-t-il le grand globe? Quoi qu’il advienne dans les Grisons, le skieur de 23 ans a réussi une saison 2020-2021 digne des plus grands. Le gamin de Buochs a fait du chemin depuis son premier jour de ski, à deux ans, le 8 décembre 1999 à Klewenalp. L’itinéraire d’un enfant doué, peut-être, mais surtout bien encadré et conscient des efforts à consentir pour arriver au sommet.

Champion du monde de slopestyle en 2015, Fabian Bösch (23 ans) a commencé le ski avec Marco Odermatt. «Je viens d’Engelberg et lui de Buochs, à vingt minutes», explique le freestyleur. «Nous n’avons pas été sur les mêmes bancs d’école, mais nous avons grandi ensemble et nos familles étaient assez liées. Pendant les vacances, nous nous réunissions pour des balades.»

Concurrence avec Bösch

Marco Odermatt et Fabian Bösch ont été concurrents sur les épreuves du GP Migros (8-16 ans). Ils s’entraînaient dans le même groupe de la relève de Suisse centrale. «J’étais meilleur que lui dans les courses Combi. J’avais gagné six années de suite», se souvient Bösch. «En géant, il était le plus fort. Nous n’en avions jamais assez. Après les courses, on se régalait dans la poudreuse et on construisait des sauts. On tentait des back-flips. Cela m’avait emballé. Marco trouvait aussi ça cool, mais pas autant que moi.» Les chemins de deux copains se sont séparés à l’adolescence.

«Il a toujours été un bon athlète, motivé et précis dans sa planification»
Olivier Koch

Un troisième larron a tenu tête au duo d’ados alémaniques: Loïc Meillard. «Loïc était le plus rapide. Marco et moi arrivions juste derrière. Cette concurrence nous a tous poussés. Marco sait doser sa force sur les skis mieux que personne», avance Bösch.

Accent sur la compétition

Marco Odermatt a franchi un palier durant la saison 2015-2016 sous la houlette d’Osi Inglin, alors entraîneur du cadre C. «Marco avait plus de 20 points FIS (28,48) en arrivant; au printemps suivant, il était sous les 10 (8,63) et avait participé aux mondiaux juniors à Sotchi (or en géant, ndlr). Il s’était beaucoup développé cette année-là», rappelle le technicien de 52 ans, aujourd’hui au chevet des espoirs finlandais. «Nous avions tout axé sur la compétition et nous avions même effectué un déplacement outre-Atlantique pour qu’il puisse améliorer ses points.»

Le 19 mars 2016, Marco Odermatt donnait ses premiers coups de carres en Coupe du monde, dans la finale du géant à Saint-Moritz, en sa qualité de champion du monde juniors de la spécialité. Il terminait avant-dernier, 22e sur 23, à trois secondes du vainqueur. «Il était déjà bien développé en géant et en super-G», précise Osi Inglin. «S’il gommait quelques petites erreurs, il pouvait être encore plus rapide. Il était capable d’un maximum d’efficacité sans effectuer trop de mouvements. Il a conservé cette particularité. Il produit le maximum en bougeant un minimum.»

«Il a ce truc en plus»

Marco Odermatt a été sélectionné par Swiss ski pour ses vrais débuts en Coupe du monde en octobre 2016, en même temps que Pierre Bugnard. «Nous nous sommes retrouvés ensemble à Sölden, comme nous l’avions aussi été à Macolin en tant que militaires sportifs d’élite ou dans certains groupes d’entraînement», souligne le Charmeysan de 28 ans, retiré du ski depuis quelques mois. «Marco, il a ce truc en plus: le talent. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour expliquer sa réussite. C’est ça, avec le mental en prime.»

Le Nidwaldien a passé par la filière sport-études, à Engelberg, presque à domicile, comme Corinne Suter, Michelle Gisin ou Wendy Holdener. Il a obtenu sa maturité en 2017. «Il a toujours été un bon athlète, motivé et précis dans sa planification», raconte Oliver Koch, directeur sportif de l’institut et également entraîneur alpin. «Il était très organisé et savait ce qu’il lui fallait pour passer les examens ou pour le ski. Il avait un côté coquin. Polisson, il lui arrivait de faire des bêtises avec un camarade, mais il savait toujours quand s’arrêter. Invité à s’exprimer devant les élèves de la nouvelle génération, Marco Odermatt a insisté sur le fait qu’il avait vite déterminé ce dont il avait besoin pour poursuivre ses objectifs.»

Bienveillant et entouré

«Marco a touché d’entrée au top 15 (12e en 1re manche, 17e final en 2016 à Sölden) et il a enchaîné sur le circuit de Coupe du monde. Je ne l’ai plus revu», raconte Pierre Bugnard. «C’est le roi des types. Il a toujours un mot pour les autres et il est bien entouré. Il a deux ou même trois servicemen à sa disposition et des sponsors bienveillants. Par contre, il n’a pas de cellule personnelle, comme Pinturault ou Schiffrin. Dans son groupe, il a plein de potes. Ils se tirent la bourre avec Meillard, Tumler ou Caviezel. Il ne s’entraîne pas plus que les autres, mais il a les gènes pour réussir. Marco sait se faire mal. Il a le mental pour gagner», insiste le Fribourgeois, qui croit aux chances de son compatriote en cette fin de semaine. «Il peut tout à fait devancer Pinturault», pronostique-t-il.


«Il est bluffant de maturité»

Marco Odermatt a déjà écrit quelques pages d’histoire du cirque blanc en raflant cinq des six titres possibles aux mondiaux juniors de 2018 à Davos. Il compte à ce jour quatre succès en Coupe du monde, dont trois durant l’exercice en passe de se terminer. Ce n’est sans doute qu’un début pour le Nidwaldien. «Il est bluffant de maturité pour son âge, aussi techniquement que tactiquement», souligne Didier Cuche, qui a raccroché alors que la nouvelle pépite helvétique n’avait pas encore disputé la moindre épreuve FIS (dès 16 ans). «En géant, Marco donne une impression de facilité, comme s’il n’était jamais à la limite. Dans ses interviews aussi, il est calme, posé, serein… C’est déjà un grand. Il reste à croiser les doigts pour lui», souffle le Neuchâtelois. PAM


Beat Feuz: un petit globe de plus

Les descentes des finales de la Coupe du monde à Lenzerheide ont été annulées en raison des mauvaises conditions météorologiques. Beat Feuz et Sofia Goggia remportent les petits globes de cristal.

Les deux descentes de Lenzerheide n’ont pas résisté aux incessantes chutes de neige tombées surtout sur la partie supérieure de la piste. Dès le lever du jour, la décision a été prise d’annuler les deux courses. «Pour pouvoir effectuer le programme de mercredi avec les entraînements en plus, nous devions bénéficier de bonnes conditions. Comme redouté, ce ne fut pas le cas, c’est pourquoi nous avons rapidement pris une décision», a commenté le chef de course de la FIS, Markus Waldner.

Une annulation qui permet à Beat Feuz de remporter le petit globe de cristal de descente. Il s’agit de la quatrième victoire dans la discipline pour l’Emmentalois de 34 ans, qui compte 68 points de plus que son dauphin, l’Autrichien Matthias Mayer. Chez les dames, le globe de la spécialité revient à l’Italienne Sofia Goggia malgré une pause de six semaines due à une blessure. Il s’agit de son deuxième titre en descente après 2018. Corinne Suter termine deuxième à 70 points tandis que Lara Gut-Behrami pointe au troisième rang à 97 points.

Deux super-G sont prévus ce jeudi. «Les prévisions sont bonnes, nettement meilleures que lors des derniers jours. On se concentre pour mettre à disposition une piste parfaitement préparée», note Waldner. ATS

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