La Liberté

Les lettres à nos aînés

C’est un joli nom, les vieux!

Patrick Chuard est journaliste au sein de la rubrique régionale de «La Liberté».  © Alain Wicht
Patrick Chuard est journaliste au sein de la rubrique régionale de «La Liberté». © Alain Wicht


Publié le 11.05.2020

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Lettre à nos aînés

Plutôt que «chers aînés», je préfère dire «chers vieux». Par respect. Je me méfie du politiquement correct. Personne ne dit «les benjamins» pour désigner les jeunes. Avec mes cheveux qui blanchissent, signe que je rejoins gentiment votre club, permettez-moi de trouver que c’est un joli nom, les vieux! Je précise que je ne m’adresse pas ici à mes parents: nous n’avons pas besoin du journal pour communiquer, nous le faisons en direct.

Chers vieux, vous souffrez en ce moment. Et pas seulement de la pandémie. On vous gave de consignes de prudence. On vous parle comme à des demeurés. On vous martèle que vous êtes des personnes à risques. Vous devez sortir en cachette sous peine de vous faire enguirlander. On vous réprimande comme des chats qui font tomber des vases.

Avant cette pandémie, vous aviez déjà tout entendu. On vous reprochait d’avoir pollué la planète. On vous accusait de n’avoir rien fait pour rendre le monde plus propre ni plus juste. C’est qui ce «on»? Tous les gens oublieux du fait que l’eau potable à domicile ou la paix sociale nous ont été léguées par les générations précédentes.

On vous moralise parce que vous buvez trop. On vous reprend quand vous exprimez franchement vos opinions. Vos plaisanteries passent mal. Il est urgent de vous mettre à l’informatique. Vous devez rester jeunes d’esprit. On vous ordonne de faire de l’activité physique et d’aller aux cours Migros apprendre le chinois. A l’âge de la vie où les ombres s’allongent, vous pensiez avoir acquis un chouïa de liberté. Illusion! Avec le confinement par-dessus le marché, c’est plutôt le camp de rééducation.

Un de mes meilleurs amis, qui avait la septantaine, vient de mourir aux soins palliatifs. Il disait l’injustice d’une existence qui va trop vite: à peine as-tu appris à vivre qu’il faut partir. Mais il n’avait pas peur de la mort et ne regrettait rien. «Il faut profiter de la vie», a-t-il répété lors de ma dernière visite.

Cher vieux, ne perdez pas une occasion de profiter, de savourer l’existence, de vous amuser, de faire des folies. Si vous n’en avez ni l’envie ni le loisir, eh bien faites ce qui vous plaît. Ne vous laissez pas emprisonner par des gens qui vous méprisent tellement qu’ils n’osent pas employer le mot «vieux».

Patrick Chuard, Journaliste à La Liberté,

Vers-chez-Perrin

Rubrique lancée par La Liberté, Arcinfo, Le Quotidien jurassien, Le Journal du Jura et Le Nouvelliste. A écouter aussi Porte-Plume,à 11 h, sur RTS-La Première. Pour vos lettresà nos aînés: redaction@laliberte.ch

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