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Raphaël Berger: «La patinoire la plus moderne du pays»

A Saint-Léonard depuis 2000, le directeur général Raphaël Berger a suivi toutes les étapes de la rénovation en sa qualité de chef de projet de Gottéron. Obligé de «bricoler» dans les anciens locaux pour suivre la concurrence, le Jurassien dispose enfin d’un outil qui correspond aux besoins des Dragons. Interview

Raphaël Berger: «La patinoire la plus moderne du pays» © Charly Rappo
Raphaël Berger: «La patinoire la plus moderne du pays» © Charly Rappo


Pierre Schouwey

Publié le 28.09.2020

Temps de lecture estimé : 9 minutes

Raphaël Berger connaît la maison sur le bout des doigts. Arrivé à Saint-Léonard en 2000, d’abord comme joueur, l’ancien défenseur est devenu une figure incontournable de Fribourg-Gottéron. Le directeur général des Dragons, cheville ouvrière de l’administration du club depuis sa retraite sportive en 2007, a pourtant fini par quitter les bureaux de Chantemerle. Ses cartons, remplis de bons et mauvais souvenirs, le Jurassien de 41 ans les a déplacés à quelques centaines de mètres seulement, dans la nouvelle patinoire. Là où, depuis la mi-août, les activités de la société sont centralisées. Chef de projet pour Gottéron de la pharaonique rénovation de la BCF Arena, Raphaël Berger a mangé et dormi «patoche» ces deux dernières années. Bilan et perspectives.

Le projet de la nouvelle patinoire à Fribourg a longtemps ressemblé à un serpent de mer avant de se concrétiser à partir de 2016. Avez-vous douté de sa réalisation?
On en parlait depuis 2010. Est-ce que dix ans, pour un projet aussi complexe, c’est trop long? Je ne sais pas. Il faut rappeler que nous avons construit le troisième projet (sic). Il y a eu, avant l’abandon du projet Losinger, l’idée d’un assainissement comme à Langnau, avec l’ajout d’un bâtiment. Quand je vois que Zoug étudie la possibilité d’agrandir sa patinoire (en fonction depuis 2010, ndlr) à cause de zones gastronomiques sous-dimensionnées, je me dis que ce n’était pas plus mal de patienter et passer par ces différents stades. Notre projet a eu le temps de mûrir.

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A partir de quand Saint-Léonard telle qu’on la connaissait avant sa transformation est-elle devenue obsolète?
Concernant certains aspects, elle l’était déjà à mon arrivée au début des années 2000. Les manquements n’ont fait qu’augmenter au fil des années, que ce soit pour les joueurs, les spectateurs, l’administration ou le secteur gastronomique. Nous avons bricolé – dans le bon sens du terme – tant que c’était possible en bâtissant notre village d’Indiens à l’extérieur. Mais aujourd’hui, les gens s’attendent à autre chose niveau confort et c’est normal. Il y a bien longtemps qu’un lifting était nécessaire.

Qui dit entrée dans une nouvelle patinoire dit généralement entrée dans une nouvelle dimension. La maxime s’appliquera-t-elle aussi à Gottéron?
En ce qui concerne la taille et le volume d’affaires, oui. Au niveau de l’organisation en tant que telle, il n’y aura rien de révolutionnaire, même si le quotidien du club va être bouleversé. La principale nouveauté, c’est la création d’un département «infrastructures», car nous serons l’exploitant de cette patinoire. Au niveau du marketing, nous avons de nouveaux produits à disposition, notamment grâce au LED, mais le processus reste le même, à savoir vendre.

«La BCF Arena répond parfaitement aux besoins de l’exploitant, des utilisateurs et du public, et ce pour un bon moment.»
Raphaël Berger

Grâce à son nouvel outil, Gottéron peut-il connaître une montée en puissance, financière et sportive, comme ce fut le cas entre 2008 et 2013?
J’aimerais bien vous dire oui, mais force est de constater que certains clubs se développent plus vite que nous. Et s’il est clair que les infrastructures pèsent dans la balance des joueurs quand ceux-ci changent d’adresse, elles ne vous font gagner aucun match à elles seules.

Ce nouveau bijou fait-il de Gottéron le club le plus moderne de Suisse?
Je pense en tout cas que nous avons la patinoire la plus moderne du pays. Pendant quelques années, ce sera la plus belle et la meilleure. Mais n’oublions pas que la concurrence a lieu sur la glace comme en coulisses. D’autres projets vont naître ou sont déjà en route (Ambri, Zurich, ndlr). Une chose est sûre: la BCF Arena répond parfaitement aux besoins de l’exploitant, des utilisateurs et du public, et ce pour un bon moment.

38’000

Tonnes de béton, nécessaires pour réaliser les travaux du gros œuvre de la patinoire.

Dans quelle mesure Gottéron a-t-il eu son mot à dire dans les plans de l’Antre SA?
Notre implication fut majeure. Au début du projet, nous avons pu exprimer notre volonté quant au dimensionnement des différentes parties (nombre de restaurants, fitness, capacité de 8500 places, vestiaires, etc.). Le descriptif initial des besoins, en termes de surfaces liées à notre exploitation propre, a été entièrement intégré dans le projet. A l’inverse, lorsqu’il s’agit d’un projet piloté par les pouvoirs publics, tous les besoins ne sont pas toujours considérés. Nous sommes reconnaissants que le maître d’ouvrage (l’Antre SA, un acteur privé, ndlr) ait considéré et compris nos attentes. Dans un deuxième temps, notre rôle a été de déterminer des achats d’équipements indépendants de la construction de l’édifice. Des tapis de courses à la profondeur des tablards intermédiaires du vestiaire en passant par le mobilier des bureaux, c’était un travail de malade. En parallèle de la patinoire, qui a pris 30 à 50% de mon temps ces deux dernières années, il y avait tout le reste à gérer, notamment une situation sportive compliquée à l’automne 2019. Je me serais alors bien passé de ces problèmes…

Nourrissez-vous un ou plusieurs regrets en lien avec la construction?
Je ne suis sans doute pas encore assez objectif car nous n’avons pas pleinement exploité nos nouveaux locaux, mais je dois bien vous avouer que la patinoire répond totalement à nos attentes. Nous nous sommes d’ailleurs posé la question: est-ce qu’en partant de rien, nous aurions fondamentalement changé quelque chose? La réponse est probablement non. Cet outil correspond à nos besoins, à l’exception bien évidemment de quelques détails, çà et là.


Un emprunt inévitable

Entre l’achat de mobilier, l’aménagement de l’administration ou l’équipement pour le wifi (liste non exhaustive), Fribourg-Gottéron a dû investir 10 millions de fonds propres dans la construction de son nouvel écrin. «Nous avons pu conclure – avant la crise – des partenariats, en répartissant la facture sur plusieurs années, explique Raphaël Berger, directeur général de Gottéron. Pour le reste, nous avons dû recourir à un emprunt. Il était illusoire de trouver 10 millions dans la nature. Maintenant, avec le contexte actuel, reste à savoir quand nous pourrons rentabiliser notre investissement.»


«Vu la situation, l’événementiel n’est pas une priorité»

Propriété de l’Antre SA, la nouvelle patinoire sera exploitée, commercialement s’entend, exclusivement par Fribourg-Gottéron. Ce dernier pourra ainsi en disposer en dehors de ses activités traditionnelles. L’opportunité d’augmenter les recettes du club par ce biais est bien réelle. De là à faire de la BCF Arena une salle de spectacle, tel le Hallenstadion zurichois, il y a un pas, énorme, que les dirigeants fribourgeois ne sont pas prêts à franchir. «Vu la situation, l’événementiel n’est pas une priorité. L’idée est de vivre une saison complète dans nos nouveaux locaux avant d’envisager une diversification, explique Raphaël Berger. Nous disposons d’infrastructures flexibles qui permettent d’organiser par exemple des concerts, mais dans notre optique, c’est avant tout une patinoire.»

27

mètres, la hauteur de la patinoire

Même quand la situation sanitaire se normalisera, aucune manifestation importante hors championnat ne se tiendra dans les nouveaux murs de Saint-Léonard de septembre à avril. «Nous avons besoin de notre glace tout l’hiver, même avec la P2 à côté. Nous laissons cependant la porte ouverte à des événements en lien avec notre activité, comme Art on Ice (un gala international de patinage, ndlr). Des contacts avaient déjà été établis avant que la crise ne survienne», ajoute le directeur général fribourgeois.

Vastes et nombreux, les locaux permettront d’organiser séminaires et réunions d’entreprise pendant que la saison bat son plein. Un accueil qui sera géré directement par le secteur gastronomique du club. Et pour les futurs événements estivaux, qui demanderont assurément une structure plus importante? «Il n’y aura pas un responsable attitré. Lors de grandes manifestations, un chef de projet sera nommé à l’interne. Celui-ci piochera dans nos différents départements selon le type d’événements. Pour autant que la culture reprenne et que ce domaine nous réussisse, nous réfléchirons à étoffer notre effectif par la suite. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs», tempère Raphaël Berger.

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