La Liberté

Rachat de Credit Suisse: «renoncer aux aides étatiques est une déclaration d’indépendance»

En choisissant de se passer des aides de l’Etat, UBS a moins de comptes à rendre aux autorités fédérales. Mais elle devra se justifier sur l’ampleur des licenciements à venir.

Maude Bonvin

Publié le 11.08.2023

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Vendredi matin, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a annoncé qu’UBS a volontairement résilié le contrat de garantie contre les pertes conclu avec la Confédération (9 milliards de francs), ainsi que le contrat de prêts conclu avec la Banque nationale suisse (BNS) à hauteur de 100 milliards de francs. 

Pour le professeur à l’IMD Stéphane Garelli, la direction d’UBS a désormais les mains libres pour gérer la fusion avec Credit Suisse, loin du regard du monde politique. Si l’opération s’avère plutôt positive pour la Confédération, l’économiste rappelle que les pouvoirs publics n’ont pas pour mission de gagner de l’argent de cette manière. Interview.

Pourquoi UBS a-t-elle renoncé aux garanties de la Confédération?

UBS veut avoir les mains libres dans la gestion de la fusion avec Credit Suisse. C’est l’une des raisons. Du moment qu’une entreprise reçoit de l’aide de la Confédération, elle doit rendre des comptes non seulement au gouvernement mais aussi au Parlement fédéral. Il s’agit d’une déclaration d’indépendance. En outre, plus le temps passait, plus les contrats de garantie contre les pertes coûtaient à l’établissement financier.

La Confédération a garanti 109 milliards de francs, n’a-t-elle pas été trop généreuse?

Lorsqu’une crise survient, il vaut mieux en faire trop que pas assez pour calmer les marchés. L’adage agir quoi qu’il en coûte s’applique. Cela ne signifie toutefois pas que toutes les ressources financières mises à disposition seront utilisées. Aujourd’hui, si les marchés sont rassurés, la question juridique des AT1 reste en suspens.

Le retour de Sergio Ermotti à la barre a-t-il aussi rassuré?

Oui. Il s’agit d’une personnalité qui bénéficie d’une grande expérience dans la banque. Le Tessinois connaît aussi le fonctionnement du pays. Il représente un pont important entre le monde des affaires et le monde politique. Dans un premier temps, le Conseil fédéral aurait d’ailleurs examiné la possibilité de nationaliser Credit Suisse et aurait appelé Sergio Ermotti à la rescousse.

Le gouvernement justement a-t-il bien agi?

Oui, si l’on se réfère aux 200 millions de francs empochés dans l’opération. Les pouvoirs publics n’ont néanmoins pas pour mission de gagner de l’argent de cette manière. Reste aussi à distinguer deux temps: le moment où l’incendie doit être éteint lorsqu’une crise survient avec la mise à disposition d’importants moyens financiers et le temps présent: celui de la gestion complexe de la fusion. Ce dernier processus n’est pas terminé. Viendra le moment où il faudra rendre des comptes. Le coût social risque d’être important avec la suppression de nombreux emplois tant auprès de Credit Suisse que d’UBS.

Finalement, cette renonciation aux garanties montre que Credit Suisse représente une mine d’or pour UBS…

Il s’agit d’un autre débat qui renvoie à la question de savoir si nous aurions pu sauver la banque en difficultés. Je pense que nous aurions pu épargner l’entité helvétique de Credit Suisse, entité rentable et avec une bonne réputation. Les décisions prises rapidement ne sont jamais les meilleures. Ne réécrivons toutefois pas l’histoire, la commission d’enquête parlementaire (CEP) le fera.

Articles les plus lus
Dans la même rubrique
La Liberté - Bd de Pérolles 42 / 1700 Fribourg
Tél: +41 26 426 44 11